Trous de mémoire de nos pères

Oeuf de Pâques

Certes, c’est un secret de Polichinelle que la célèbre Fête des Pères est avant tout le fruit d’un complot des marchands de rasoirs électriques. Mais cette association de malfaiteurs constitue ainsi l’occasion, pour certains d’entre nous, de retrouver l’itinéraire de la maison de retraite de notre géniteur, et de se rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour partager avec lui quelques souvenirs de famille autour d’une tranche de cramique recouverte de sirop de Liège, accompagnée d’une tasse de Douwe Egberts*.

Dans un monde qui paraît redécouvrir soudain, comme par enchantement, que les plus vénérables d’entre nous ont encore une possible utilité sociale (et je ne vous parle même pas ici du juteux business qu’ils représentent !), il est peut-être intéressant de nous poser la question suivante : que laissera donc à la postérité la génération des fameux baby-boomers, aujourd’hui en train de planter ses choux dans sa villa ou de moisir dans sa maison de repos ?

Célèbres pour n’avoir jamais – du moins en Europe occidentale – connu la guerre, et pour avoir pris la fâcheuse habitude, l’âge venant, de profiter de l’avantage du nombre pour voler aux plus jeunes générations tous les scrutins un peu importants des deux dernières décennies par leurs idées fatalement de plus en plus bas de plafond (Brexit en tête), les baby-boomers laissent aux plus jeunes l’impression d’avoir joui de la vie comme aucune génération avant eux, avec un souci tout relatif des conséquences de leurs actes, et une conception bien à eux de ce qui constitue une consommation raisonnable des ressources de notre chère planète Terre.

En 1770, l’Abbé Ferdinando Galiani, homme d’église et économiste italien, écrivit dans son essai Dialogue sur le commerce des blés une phrase prémonitoire : « La postérité n’est qu’un être possible, et nous sommes des êtres réels. Faut-il que les réels se gênent pour les possibles jusqu’à être malheureux ? »

Oeuf de Pâques
L’avantage indéniable d’Alzheimer ? Vous pouvez cacher vous-même vos oeufs de Pâques !

Les « boomers » sont fréquemment décriés pour avoir répondu à cette question morale et philosophique par un grand « non merci » enthousiaste, laissant le soin aux générations X-Y-Z de rectifier le tir, et de prendre (enfin !) en mains tous les problèmes les plus sérieux et capitaux de l’humanité : la grave question de l’intolérance aux sucres raffinés, le non-moins insoluble dilemme du réchauffement climatique (certes, la disparition des ours polaires est un drame, mais en même temps, 22° à l’ombre en plein mois de février à Bruxelles… sapristi, que choisir ?!), ou encore le choix cruel de savoir s’il y a lieu d’écorcher vifs les gens qui se baladent en sarouel, ou bien si une simple admonestation pourrait suffire dans un premier temps (j’avoue que je ne me suis personnellement pas encore fait une religion à ce sujet ; je suis pacifiste de nature, mais je crois aussi à l’importance de fixer des limites).

La fin du nucléaire, la surpopulation, les voitures électriques dont les batteries polluent plus qu’une Lada roulant au mazout de chauffage, la surconsommation ou encore l’utilisation plus qu’abusive des services de messagerie instantanée (qui emploient 24h/24, 365 jours par an des fermes à serveurs dont la consommation globale en énergie – et autres effets délétaires bien connus – a dépassé celle d’un demi-continent)… Autant de problèmes, nés de l’insouciance des pré-retraités et de leurs grands-frères et grandes-soeurs, qu’il revient aujourd’hui à quelques malheureux quinquagénaires usés par le pouvoir de résoudre, sous les lazzi et les quolibets d’électeurs ingrats.

La seule bonne nouvelle : les baby-boomers, l’âge aidant, vont commencer à être trop distraits pour se rappeler d’aller voter. Tant mieux : ça fera moins de files devant les urinoirs (ou bien on dit isoloirs ? Je ne me souviens jamais…) !

A la semaine prochaine,

Kika

* Si le géniteur en question a plus de nonante ans, par souci de vraisemblance, veuillez remplacer ci plus haut le cramique par des Quality Streets, et le café par de la chicorée. Merci.

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