Sa valise prête à subir les maltraitances des bagagistes de l’aéroport le plus proche, les comprimés de Xanax (à dose homéopathique, en tous cas selon les standards pachydermiques) en sécurité dans la doublure de sa veste, et le déostick et la brosse à ratounes miniatures à l’abri dans un sachet en plastique transparent (comme le requièrent les règles du transport aérien, devenues plus drastiques que dans un quartier de haute surveillance en milieu carcéral), votre blogueur préféré s’apprétait à embarquer, au péril de sa vie, dans une boîte de conserve volante à destination des splendeurs de la fière Italie.
Mais voilà : un Chinois imbécile, au mépris des règles élémentaires d’hygiène, devait en décider autrement. En s’asseyant sur tous les conseils des diététiciens – qui, comme chacun devrait le savoir, nous suggèrent avec insistance de consommer au moins 5 portions de fruits et légumes par jour, et 0 portions de viande crue avariée issue d’espèces non-comestibles – décida de calmer sa faim avec un steak de pangolin (à moins qu’il ne s’agissât d’une fricassée de chauve-souris ; la communauté scientifique planche encore sur cette délicate question). Et ce sinistre individu n’était manifestement pas à une entorse au vivre-ensemble près, puisqu’il ne trouva rien de mieux à faire que de partager les effets de son enthousiasme culinaire avec ses contemporains.
Devenu depuis lors l’un des plus célèbres « patient 0 » au monde, cette andouille, non contente de précipiter l’humanité dans une crise d’hystérie collective, venait surtout de gâcher des vacances pourtant bien méritées (songez que nous dûmes même récemment survivre plusieurs jours sans café au bureau, suite à un retard de livraison… un voyage au pays de l’espresso ne semblait pas de trop !!).
Resté sur le tarmac, cloué sur le plancher des vaches, rivé à la Terre-mère tel un rail sur une bille de chemin de fer, votre serviteur décida de ne s’en point laisser compter. Si le monde avait décidé de le priver de la vue réputée stupéfiante de la Baie de Naples, rien n’obligeait votre zélé écrivaillon à laisser ainsi les évènements entamer sa légendaire bonne humeur !
Mais comment faire pour conserver cet enthousiasme de golden retriever sous la grisaille du Royaume de Belgique, alors que la Côte amalfitaine gorgée de soleil se promettait encore à lui quelques heures auparavant ? La colère étant mauvaise conseillère, il fallait de toute urgence trouver un moyen radical d’évacuer le juste courroux qui lui montait au nez telle un moutarde dijonnaise.
Heureusement, les tornades des dernières semaines avaient laissé dans leurs sillages de quoi occuper un homme des bois pendant une bonne année. Ces vents à décorner un cocu donnèrent un souffle nouveau à ce jour de deuil. Armé de sa hache la plus affutée, votre fidèle plumitif abattit ce jour-là un bouleau phénomènal – en toute modestie, vous auriez dû voir le diamètre !
Ayant assez de bois pour passer l’été (oui, à défaut de cheminée, je ne m’en sers que pour allumer le barbecue… pas de quoi justifier l’abattage d’un séquoia, convenons-en !), votre auteur favori (qui devrait arrêter de parler de lui à la troisième personne… je vous promets de lui en toucher un mot la prochaine fois que je le vois) s’attela les jours suivants à des tâches toutes plus cruciales les unes que les autres.
Citons dans le désordre : reclasser les 792 ouvrages de sa bibliothèque personnelle dans l’ordre anti-chronologique de leur première édition en version poche (indispensable !) ; réétudier la taxonomie complète des organismes amphibiens par la méthode de la systématique phylogénétique (crucial, au vu des derniers progrès en génomique, vous voudrez bien l’admettre !) ; polir à l’aide d’une brosse en poils de castors l’ensemble de l’argenterie – non sans en établir un inventaire complet dont l’absence commencait à se faire cruellement ressentir (une activité étonnamment distrayante !) ; enfin, accomplir l’exploit suprême, en triomphant à mains nues de l’odieux Wario, célèbre empêcheur de plombier en rond, sur une console Game Boy exhumée au court des classements évoqués ci-avant – un outil devenu d’ailleurs pratiquement aussi introuvable qu’un pangolin chinois en sécurité.
Hélas, hélas, trois fois hélas (oui, l’utilisation fréquente de l’expression « Hélas, trois fois hélas », insoutenable entorse aux fondements même de l’algèbre, doit absolument cesser sans délai ; tenez-le vous pour dit !), rien n’y fit ! Aucune de ces activités captivantes ne semblait pouvoir calmer l’ire de votre infortuné conteur, à l’endroit du criminel pangolinophage à l’origine de ce fiasco. Ni le revisionnage de l’enregistrement intégral de la Tétralogie de l’Anneau du Nibelung au Festival de Bayreuth en 1976, pas même le suivi des fluctuations du Bel20 minute par minute, ne purent éteindre ses envies de sinocide – c’est dire !
Au moment d’écrire ces lignes, je viens* de terminer de râtisser la forêt (c’est quand même plus propre sans toutes ces feuilles mortes !). Et comme la rédaction de cet article n’a réussi qu’à raviver ma pangolinophageophobie, je vous préviens : si j’en vois un parmi vous qui ose s’approcher à moins de dix mètres d’un malheureux pangolin, il aura affaire à moi ! Tenez-le vous pour dit !
Quant au fameux patient 0, si quelqu’un pouvait signaler à ce crétin congénital qu’il me doit 38 Euros et 65 cents – soit le montant dont ces truands de RyanAir, choisis pour le viol retour, doivent d’ores et déjà se frotter les pattes (puisqu’à défaut de sens moral, ils savent très bien comment se laver les mains, EUX !!)… ?
D’avance merci, et à la semaine prochaine, hélas, deux fois hélas,
Kikh
*Note à benêts : oui, j’ai fini par me signaler que l’utilisation de la troisième personne faisait quand même mauvais gendre (comme dirait votre belle-mère). Attendu qu’on peut être schizophrène sans être bipolaire – la preuve, je partageais mon avis ! – j’ai décidé d’arrêter.
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