Place aux jeunes

Cougar

Parmi les choses qui m’étonnent encore, malgré mon caractère naturellement blasé de trentenaire adepte de la désinvolture systématique, figurent bien entendu les suspects habituels : la mode de la crypto-intolérance au gluten, la nature exacte des revendications des gilets jaunes, l’impunité encore d’application face à l’emploi de l’expression « j’ai difficile » (un belgicisme suprêmement hideux dont les usagers devraient être systématiquement lapidés sur la place publique à mon humble avis), ou bien encore l’utilité sociale des polos roses qui poussent comme des champignons vénéneux sur les épaules des vacanciers de Knokke-le-Zoute.

Dans cette liste hélas non-exhaustive, je dois rajouter je le confesse la persistance d’une habitude ancrée depuis des millénaires, poussant les personnes de sexe féminin hétérosexuelles à rechercher des compagnons mâles plus âgés qu’elles. Cette espèce de coutume tirée des temps ancestraux, et dont j’admets bien volontiers les justifications historiques, n’a tellement plus lieu d’être qu’elle en est même devenue contreproductive pour la gent féminine.

A notre époque où nos sœurs de sexe féminin luttent avec un juste acharnement pour leurs droits fondamentaux, et exigent à raison une place totalement égale et équitable dans la société, à l’abri du joug des préjugés et du poids de la domination historique des mâles – aussi bien dans le domaine privé que professionnel – il me paraît pour le moins étrange qu’elles soient si peu nombreuses à soulever ce sujet pourtant si évident !

Commençons par un très rapide (et si possible caricatural) résumé historique. Depuis la nuit des temps (pas le roman de René Barjavel, dont j’ignore l’impact réel sur les mœurs de notre temps ; je veux vraiment parler d’il y a super longtemps, genre : aux débuts d’Homo Sapiens), les femelles humanoïdes recherchaient fort naturellement des géniteurs, avant de rechercher des compagnons d’existence. L’espérance de vie moyenne d’un être humain étant alors d’environ dix-sept minutes douche comprise, il n’était pas vraiment question d’envisager un mariage en grandes pompes en mode « on va s’aimer jusqu’à ce que la mort – ou mes bas instincts primaires pour la voisine du dessous, vile tentatrice ! – nous sépare ».

Avec le développement de sociétés plus grégaires et organisées, aux rites sociaux plus construits et permanents, s’est également instituée, à travers les régions et les époques, la mode de l’union matrimoniale, sous divers formes et rituels, mais bien souvent avec ce trait commun : une différence d’âge entre les deux membres du couple s’avérant à l’avantage (ou bien au désavantage, question de perspective !) de l’individu mâle, généralement plus « expérimenté » (pour rester poli envers ce malheureux vieux schnock grabataire).

Ce choix était dicté par plusieurs éléments objectifs tout à fait justifiables : l’espérance de vie moyenne, jusqu’au début du XXème siècle, s’exprimait en faveur des individus mâles. De récentes recherches scientifiques – que je vous invite à aller chercher tous seuls comme des grands sur les internets – ont récemment démontré et expliqué ce phénomène très clairement. Les jeunes filles, au cours des âges, ont toujours affiché un taux de mortalité plus élevé que celui des enfants mâles, se révélant plus vulnérables aux nombreuses maladies infantiles… une situation qui s’est drastiquement améliorée depuis un bon siècle grâce à la merveilleuse, fascinante et salutaire invention de la vaccination (et je le mets volontairement en exergue pour le cas où des imbéciles antivaccins traîneraient dans les parages ; qu’ils aillent se faire admirer le faciès au pays des Hellènes).

Ainsi, le taux de mortalité infantile ayant pratiquement cessé son insupportable discrimination misogyne, restait aux jeunes femmes atteignant l’âge adulte à imiter leurs petites sœurs, en améliorant leur espérance de vie au-delà de la puberté.

Ce fut chose faite avec l’apparition et la généralisation des moyens contraceptifs, et quelques améliorations assez appréciables en matière de gynécologie et d’obstétrique, qui ont incroyablement limité, dans la plupart du monde connu, le taux de mortalité dû à l’enfantement. Depuis quelques décennies donc, les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, sur la plus grande partie du globe terrestre, et nous ne pouvons que nous en réjouir pour elles !

En parallèle de ce phénomène de santé publique, les femelles humaines ont, depuis des temps immémoriaux, été soumises au diktat de leurs frères mâles, se trouvant en permanence en situations de danger pour leur intégrité physique et pour la restriction du droit d’accès à une partie cruciale de leur anatomie. Et de nombreuses sociétés se sont développées autour d’une division des genres et d’une discrimination systématique du féminin, obligeant les jeunes femmes à chercher à s’associer à des mâles plus âgés, donc plus à même (supposément du moins) de les protéger, leur éviter les nombreux pièges de l’existence… et souvent mieux « installés » dans la vie – plus nantis, et donc mieux en mesure d’assurer la subsistance du foyer (nourriture, toit, chaussettes propres… the whole package !).

Cependant, là encore, le XXème siècle et son jeune frère cadet, ont énormément progressé – même si la route est encore longue et semée d’embûches ! Dès lors, même dans leur prime vingtaine, un jeune homme et une jeune femme ayant la chance d’avoir tous deux un emploi vaguement stable devraient être en mesure de mettre un toit au-dessus de leurs têtes, et des pâtes au ketchup dans leurs assiettes et celles de leur progéniture.

Et il y a même quelques quartiers de Bruxelles où les femmes peuvent circuler de jour sans être agressées (mais je l’ai dit : la route est encore longue et semée d’embûches).

Les femmes d’aujourd’hui ont-elles encore autant de raisons de rechercher la maturité chez leurs conjoints potentiels ? La question peut se poser…

… d’autant que, d’un point de vue purement reproducteur, les femmes ont tendance depuis quelques décennies à enfanter plus tard, ce qui affecte quelque peu leur fertilité. Et leurs compagnons mâles, souvent ENCORE plus âgés qu’elles, ne sont pas en reste ! Pesticides, pollution, malbouffe, Netflix : la libido et la qualité des petits camarades géniteurs spermiques diminue au fil du temps de façon consternante chez les individus mâles homo sapiens.

Enfin, dernier argument, qui bouclera la boucle entamée en début de billet : les femmes vivent à présent plus longtemps que les hommes en moyenne ; dès lors, le fait de porter leur choix sur des compagnons plus âgés devient surtout la promesse d’une fin de vie sous le signe du veuvage et d’une solitude pas franchement funky !

Cougar
Impressionnante photo d’une cougar en chasse

En résumé : les femmes n’ont plus de raisons sécuritaires ou alimentaires de préférer des hommes plus âgés qu’elles. Cela diminue leurs chances d’enfanter si jamais le cœur leur en dit. Et enfin, c’est la garantie statistique pour elles de terminer leur vie seules, après avoir dû mettre en bière leurs compagnons d’infortunes.

Pour un individu mâle entamant la seconde moitié de sa trentaine, vous remarquerez que je ne prêche pas pour ma propre chapelle. Je serais même à deux doigts de me tirer une balle dans le pied. Mais ne vous inquiétez pas : je viserai le gauche ; il n’est plus innervé, je ne sentirai rien !

Par contre, si vous savez ce qui pousse encore de nos jours les femmes à afficher cette étrange attirance pour les béliers les plus grabataires du troupeau, merci de me donner l’explication en commentaires.

Epargnez-moi svp la théorie selon laquelle les hommes mûrs seraient aussi un peu plus matures ; personne n’est dupe ! Si vous avez déjà assisté à une réunion de quinquagénaires dans un club house, vous ne pourrez pas nier l’évidence : on est tous aussi cons, il n’y en a pas un pour rattraper les autres. Comme disait Brassens : « le temps ne fait rien à l’affaire ». 

A la semaine prochaine,

Kika

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