Mid-life crisis

J’ai une petite question pour vous. Mais avant cela, je crois qu’il faut vous expliquer le contexte.

Lorsque j’étais tout petit (littéralement ; j’étais vraiment très petit quand j’étais petit), l’heure de mettre mon pyja-froid et de (faire semblant de) me brosser les ratounes n’était pas mon moment favori de la journée.

La Science des Rêves

Pour le dire tout net, le Marchand de sable et moi-même entretenions, déjà à cette époque, une relation relativement conflictuelle.

Je lui préférais Hergé, Franquin, Goscinny et Bill Watterson. Et il manquait rarement une occasion de me le faire payer.

Et ces nuits trop brèves ont toujours eu un corollaire : je ne me souviens presque jamais de mes rêves. Pas même des bribes. Rien. C’est donc un petit évènement lorsque cela se produit, et ceci depuis mon plus jeune âge.

Quand le marchand de sable a un peu la main lourde…

Quand cet empaffé de vendeur de matériau granulaire daignait se pencher sur mon oreiller « Capitaine Flam », tout un monde de possibles s’ouvrait enfin à moi, offrant à mon analyse onirocritique des manifestations d’espérances et d’ambitions inconscientes et insoupçonnées.

Je devenais alors Robin des Bois ou Peter Pan (mais sans les collants, faut pas déconner !). Ou un cowboy solitaire dégainant son colt à la vitesse de l’éclair. Je sauvais l’humanité une personne à la fois – ce qui aujourd’hui peut sembler utopique, mais rappelez-vous qu’à l’époque nous étions à peine 5 milliards sur cette planète, dont un tiers de communistes mangeurs d’enfants.

Adulescence programmée

Plus tard, lorsque, adolescent frêle mais heureusement dépourvu d’acné, le commerçant gypsophile daignait encore m’inclure dans son carnet de livraisons, le rêve était souvent le même.

Il impliquait un stade en éruption, une baballe, vingt-et-un individus en short, et moi. Je ne vais pas vous mentir : mon cerveau endormi s’arrogeait le meilleur rôle du casting.

Je claquais un hat-trick en finale de Coupe du Monde contre le Brésil de Ronaldo (le vrai), après avoir humilié au hasard l’équipe de France en demies (j’ai dit : au hasard !). Le jour venu, je passais des heures balle aux pieds, tentant d’accomplir ces exploits dans le jardin familial.

Tu vas voir si je le grille pas au 100 mètres, Gronaldo !

Un tackle – bien réel celui-là – plus tard, mes neurones se trouvaient contraints de revoir leur copie. Entre deux insomnies, dues à des oublis de cette crapule de dealer de matières calcaires, de nouvelles images se faisaient jour.

Cette fois, repéré par une directrice de casting ébahie par mon charisme et ma tête à faire de la radio, je devenais un saltimbanque renommé. Les succès s’enchaînaient. Hollywood me tendait les bras. L’actrice Katie Holmes itou – séduite par mon humour désopilant. Nous vivions une magnifique idylle sous les spotlights.

Hélas, une nouvelle fois, j’étais rattrapé par la réalité, lorsque Katie décida de laisser passer sa chance, en me préférant un nabot scientologue – un choix que je ne m’explique toujours pas, mais peu importe !

Qu’à cela ne tienne : même à l’âge soi-disant adulte, les connexions synaptiques sont des choses qui se laissent rarement décontenancer.

Fort de quelques succès d’estime au karaoke, je me lançais en rêve dans une fulgurante carrière de chanteur à textes. Au réveil, je me promettais d’apprendre enfin la guitare.

(N.B.: notez que depuis lors, je m’y suis essayé ; ça fait deux mois, et je peux presque vous jouer Jeux Interdits, je sens que je suis à deux doigts : l’index et le majeur. Qui sont hélas indispensables pour jouer Jeux Interdits. Pas de bol !)

Sic transit gloria Mickey

Cette ambition musicale rencontrait un mur ? Qu’à cela ne tienne ! Entre deux distributions de ce fumier de vendeur de quartz au détail, ma production onirique se rappela qu’il était possible de consigner les mots plutôt que de les éructer.

Entre le talent de Bob Dylan et le chapeau de Bob Dylan, le chanteur Justin Bieber n’a pas hésité longtemps…

Je vivais de ma plume ; Robert L’à-fond, Flemmarion (je vous dis que je fais attention, nom d’un chiot !), Galimmard, le Vlan… Tous s’arrachaient le privilège de diffuser mes chefs d’oeuvres auprès d’un lectorat assidu.

Je remplaçais sur les étals des libraires les ouvrages de Marc « Cale-porte » Lévy et de Guillaume « Allume-feu » Musso.

Mais tout ça, c’était avant.

Avant dimanche passé, en tous cas. Le Camelot du gypse avait daigné se pointer à l’heure, pour changer. Et je me suis réveillé en me souvenant de mon rêve. Je vous vois d’ici vous demander, impatients comme je vous sais : sportif accompli ? Chanteur à textes ? Cosmonaute ? Retour en grâce de Katie Holmes ?

Rien de tout cela ! Cette fois, mon imagination fertile, nourrie par un weekend de février comme on n’en voit normalement que sur l’île de Madère, a juste rêvé… que les bulbes que j’ai plantés dans mes parterres à l’automne passé avaient poussé pendant la nuit.

Voilà. C’est tout. Apparemment, désormais, pendant que je roupille, mon subconscient espère juste que mes plates-bandes soient en fleur. Du coup, c’est la question que je voulais vous poser au début de l’article.

Répondez-moi sincèrement. A l’approche de la quarantaine, je ne dis pas que mon cerveau devrait encore me croire capable de rattraper Lionel Messi à la course ou de devenir le nouveau Clint Eastwood, mais tout de même : est-ce que je ne serais pas légèrement en train de revoir mes ambitions personnelles à la baisse ?!

Vous avez une heure. Pendant ce temps-là, je serai au jardin, en train de poursuivre mes rêves, apparemment.

A la semaine prochaine, si mon ambition dévorante me ramène sur ce blog,

Kikh

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