Mini leçons sur le bonheur

Hermann

« Il n’est rien à quoi l’homme se laisse mener plus difficilement qu’à son bonheur » (Hermann Hesse)

La difficile, et ô combien cruciale, recherche du bonheur est un sujet atroçement compliqué, et un blog ne saurait en aucun cas fournir toutes les réponses à vos légitimes interrogations. Mais cela ne me dispense pas de vous livrer quelques pistes, si tant est que cela vous intéresse. Je pose donc ça ici, et vous en ferez ce que vous voudrez.

La première difficulté inhérente à la recherche du bonheur est l’absence d’une définition claire, précise et universelle de cet étrange concept. Nous savons que le bonheur n’est pas un état d’allégresse permanent, à l’instar de la bonne humeur inaltérable du golden retriever, pour qui tout est motif à satisfaction. Si le but de nos misérables existences était de nous retrouver ad vitam dans un état d’abrutissement canin, un peu de Prozac en intraveineuse suffirait, et il paraît clair que la chose aurait déjà été réglée depuis fort longtemps (l’humanité est stupide, mais pas au point de passer à côté d’un truc aussi évident).

A contrario, le bonheur ne saurait être l’absence de malheur ; on ne définit pas un concept par son contraire, et la recherche du Nirvana de nos amis Bouddhistes, ou le tetrapharmakon de ce bon vieil Epicure, ne font toujours pas entièrement recette, tant ils nous laissent un goût de trop peu. Le bonheur ne serait-il qu’un état d’apaisement, dépassionné et vidé de tout désir ? Très peu pour moi !

Hermann
Hermann Hesse, lauréat du Prix Nobel de littérature en 1946 en dépit de son immense talent !

La vérité est que le bonheur, tout comme l’amour, ne saurait s’expliquer en deux temps trois mouvements, comme vous expliqueriez la théorie des cordes à un enfant curieux (mais si, mais si, ne soyez pas si peu sûrs de vous !) ; même une notice Ikea ne parvient pas à égaler le caractère abscons et insaisissable de ce que pourrait être un mode d’emploi du bonheur.

Le fait est qu’aucune définition ne saurait nous satisfaire, tant elle serait éloignée de la réalité sensible. Comme disait quelqu’un de bien plus intelligent que votre serviteur, on reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va – et il aurait sans doute pu là aussi adjoindre l’amour à cette définition*.

La deuxième difficulté dans la recherche du bonheur est que la plupart d’entre nous aimerait assez, avant de s’y plonger à pieds joints, avoir quelques certitudes quant à la direction à prendre… et ces certitudes manquent cruellement depuis la remise en question des dogmes religieux et la méfiance actuelle qui règne autour des utopies politiques. C’est comme si, tout comme nous avons perdu le sens de l’orientation par abus de nos GPS, nous avions perdu le chemin menant au bonheur par abus d’égocentrisme et de scepticisme !

Or, dans ce genre de situations, il est souvent bon pour le moral de faire une petite liste des choses dont nous pouvons être sûrs, et sur lesquelles nous pouvons nous reposer de façon fiable. Et là, bonne nouvelle : sur le bonheur et le malheur, il y a tout de même bien quelques certitudes, qui nous permettent d’avancer en évitant de nombreux pièges en chemin. En voici mon top 5, que je lègue à la postérité pour pas un balle (admettez que je suis sympa, ou allez vous faire stranguler dans une présentation Power Point).

  1. Depuis le temps, tout le monde sait qu’il est indispensable, pour être heureux, d’éviter les gens qui écrivent leur nom de famille avant leur prénom, que ce soit sur Facebook ou dans leur signature d’e-mails. Vous savez qu’il ne peut s’agir que d’un individu instable, probablement un fonctionnaire (ou quelqu’un qui en avait la vocation), et faites-moi confiance : vous ne voulez pas être à côté de l’un d’eux le jour il rencontrera une coccinelle sans taches !**
  2. De même, quelqu’un qui ne rit pas en assistant à la chute d’un passant dans la rue ne saurait être un compagnon de fortune (ou d’infortune) valable ; il s’agit d’un être fort peu civilisé à l’évidence, et je vous rappelle que sans le sens de l’humour, et le non moins précieux sens de l’autodérision, aucun bonheur n’est possible. D’ailleurs, comme le disait Henri de Montherlant : « On ne doit jamais accorder sa confiance à quelqu’un qui ne rit pas ». Merci Riton !
  3. Sans vouloir donner l’impression de vous faire ici, sur un blog de ce niveau, l’apologie du naturisme, je tiens également à vous signaler une autre constante de la vie : il est fort probable qu’un bon nombre des meilleurs moments de votre existence se sont déroulés (quasiment) dans le plus simple appareil (à l’exception de vos séjours à l’hôpital, mais là ça ne compte pas, ce sont ces nurses sadiques qui vous obligent à vous exhiber, vous ne le faites pas de gaieté de coeur !). Vacances au soleil, pratique du sport en milieu caméral protégé, bains à bulles, massages professionnels ou amateurs… De là à estimer que bonheur et vêtements sont deux éléments inversément corrélés, il y a un pas que, personnellement, je n’hésite pas à franchir*** ! Encore une fois, vous en faites ce que vous voulez.
  4. La plus grande invention de l’humanité est connue, elle porte un nom facile à retenir quoi qu’un peu barbare, et elle est en vente libre à peu près dans tous les pays du monde. Le hamac est un objet très simple en apparences, mais son usage ne s’apprend qu’avec beaucoup de temps et de patience. Atteindre le bon compromis entre risque de mal de mer et volonté d’être bercé par le balancement de ce remarquable outil, n’est pas chose aisée. Mais une fois maîtrisée la pratique de ce noble sport, une forme de satisfaction souvent proche du bonheur doit normalement s’emparer de vous tel la lionne bondissant sur l’antilope dans la savane tanzanienne.
  5. Enfin, je m’en voudrais de ne pas citer ici le regretté Jean d’Ormesson, et plus particulièrement cet extrait de La Douane de Mer : « L’ennui n’est que la nudité de l’homme qui n’a pas encore trouvé son hochet »****. Je ne peux que vous souhaiter de trouver votre hochet si vous ne le possédez pas encore. Le bonheur est à ce prix ; tout le reste – en ce compris le sens de la vie, qui est un concept sans fondements, je tiens à le mentionner – n’est que futilité.

A la semaine prochaine, pour une autre leçon aussi magistrale qu’inepte,

Kika

*Une lectrice assidue me signale que l’auteur en question serait Jacques Prévert. Je lui fais confiance, étant subitement atteint d’une flemme de méninges qui m’empêche d’aller vérifier sur les Internets…

**Méfiance aussi lorsque vous rencontrez une demoiselle ayant remplacé sur Facebook son patronyme complet par les quatre premières lettres de son prénom, suivi des trois consonnes les plus marquantes de son nom de famille. De toute évidence, si elle s’imagine que ce grossier subterfuge rend sa vie privée inviolable, allez savoir quelles autres billevesées elle est capable de gober. L’astrologie, l’homéopathie… pourquoi pas le réchauffement climatique tant qu’elle y est !?

***Evidemment, vous pourriez me rétorquer que c’est plus facile lorsqu’on a la chance de posséder un torse instagrammable. C’est mon cas, et merci bien !

****A priori, il semblerait que l’auteur n’ait eu aucune intention de faire ici une quelconque référence à la pratique de l’autoérotisme. Maintenant, si vous souhaitez le prendre au premier degré, libre à vous… Chacun ses petits hobbies, qui sommes-nous pour juger ?!

1 Commentaire

  1. Ping : Nostradakikh – Le Monde du Kikh

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.