L’article de cette semaine pourrait créer le débat, et me valoir certaines inimitiés, mais vous commencez à me connaître si vous faites partie de mes dix-huit lecteurs fidèles : je ne crains pas la polémique, et l’antipathie de mes semblables, dans la mesure où elle les éloigne ostensiblement de mon périmètre d’activité, n’est pas exactement faite pour me déplaire. Qu’à cela ne tienne donc ; j’irai au bout de mon propos.
Car c’est une question simple que je souhaite vous poser : connaissez-vous concept plus absurde, et symbolisant mieux l’ineptie de l’espèce humaine, que les salles de sports ? Ces lieux grotesques, qui pululent désormais comme la mérule sur un mauvais chassis de salle de bain, trahissent à mon avis mieux que n’importe quelle chaîne d’info en continu l’aporie dans laquelle l’humanité s’est volontairement engagée.
Mettons-nous à présent dans la peau d’un quadragénaire moyen, cadre supérieur avec quinze années d’expérience dans le marketing, possédant la béhèmedoublevé accompagnant la fonction. Ce brave homme, légitimement désireux de rester en bonne santé (et de conserver cet indice de masse corporelle inférieur à 29 qui rend la mère de ses deux enfants virgule cinq amoureuse comme au premier jour), contraint de dépenser une portion congrue de l’argent du ménage dans la salle de sport la plus proche. Cette petite dépense, d’ailleurs partiellement remboursée par sa mutuelle, l’autorise à brûler son énergie chez Basic Fit qui, en retour, se fera fort d’utiliser l’écot de son cher abonné pour évacuer, à grands coups de système d’aération dernier cri alimenté à l’électricité, l’énergie cynétique et la chaleur corporelle générées par les efforts grotesques et vains de ce sympathique quadragénaire, en train de s’agiter à faire du sur-place !
Multipliez à présent cet exemple par le nombre d’andouilles, hommes et femmes, trop heureux de pédaler sur un objet tout aussi immobile que celui de notre ami, quelque part sur le globe, dans une salle elle aussi ventilée et revêtue d’un quick-step bon marché. Je suppose qu’à ce stade-ci, vous visualisez le ridicule de la situation : à cause de la malbouffe et de notre mode de vie sédentaire, occupés que nous sommes pendant des journées entières avec l’arrière-train vissé sur une chaise de bureau, nous nous trouvons des millions d’homo sapiens en danger mortel de surpoids et de burn-out.
Pour éviter cela, à l’aide de nos puissants cortex cérébraux, nous avons décidé, tous ensemble, que la bonne idée était de bâtir dans nos centres urbains d’immenses salles de sports, où l’on entretient à grands coups de pétrole, de plastiques et d’électricité des millions de machines de torture, à l’esthétique pour le moins douteuse, destinées à accueillir nos frustrations tout en produisant du rien.
Evidemment, me direz-vous avec votre habituel bon sens, tout ceci ne serait jamais arrivé s’il avait existé une alternative viable. Un peu à l’instar du trafic automobile à Bruxelles, qui ne diminuera pas tant qu’aucun service valable de transports en commun n’existera pour rejoindre en moins de deux heures le centre-ville… De la même façon, nous ne sommes pas en mesure d’abandonner nos abonnements aux salles de sport. Nous serions condamnés à l’obésité morbide. Ou pire encore : nous nous trouverions dans l’obligation d’utiliser notre énergie et nos muscles à des fins utiles, dans des projets à valeur ajoutée, qui priveraient Uber, Deliveroo, la corporation des plombiers et les vendeurs de pellets, de leurs précieuses sources de revenus.
Dieu nous en préserve ; nous n’avons pas fait tout ce machin jusqu’ici pour être réduits au triste sort de nos aïeux, qui fréquentaient quant à eux une célèbre salle de spores que l’on appelle paraît-il « forêt ». Un lieu qui ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir, dont l’unique vestige sera le quick-step sur lequel nous posons nos précieux vélos elliptiques.
A la semaine prochaine, et d’ici là ne manquez pas la dernière promo chez Basic Fit !
Kikh
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