Nostradakikh

Si vous me lisez régulièrement sur ce blog, vous aurez sans doute fini par remarquer vous aussi à quel point il regorge d’articles prophétiques à plus d’un titre.

Au risque de voir le visage de ma légendaire modestie virer vers les tons carmins, force est de constater en effet qu’aussi bien mes prédictions sur l’inutilité de LinkedIn (maintenant que vous êtes tous coincés à la maison, avec tellement de temps libre que vous vous en trouvez réduits à aller sur ce site pourri, ne me faites pas croire que son caractère malsain vous échappe !), que mes prévisions sur la fin du transport aérien, étaient dignes des plus grands visionnaires antiques.

Parce que je détesterais m’auto-référencer, je ne reviens pas non plus sur mes longs plaidoyers pour le télétravail, et pour la mise en quarantaine systématique des scrofuleux, priés de rester chez eux plutôt que de contaminer leurs collègues de bureau. C’était en juin 2019, et manifestement il aurait mérité une audience plus attentive…

De même lorsque je vous avais fait, sur ces pages, la démonstration éclatante qu’il n’existait pas à proprement parler d’homme hypocondriaque, mais seulement quelques individus mâles présentant de bien légitimes inquiétudes liées à la santé publique. On fanfaronne moins, mesdames !!?

Et je n’ose même pas vous remettre sous le nez l’un mes derniers articles annoncant la fin du monde pour dans moins de pas longtemps. Le Covid-19, ce lâche ennemi masqué et sournois, a donné à votre serviteur – et j’en suis désolé, croyez-le bien – raison sur toute la ligne ! A présent que vous voici coincé(e)s dans de sempiternels conference call et réduit(e)s à communiquer par messageries interposées, vous ne pouvez plus nier que mes mises en garde contre le risque de réunionite aiguë et de communication breakdown étaient ô combien justifiées.

Comme si cela ne suffisait pas, des miliers de citadins de par le monde sont en train de découvrir, sans le savoir, la pertinence absolue de mes propos acerbes à l’encontre des salles de fitness, auxquelles je vous suggérais, au mois d’octobre dernier, de leur préférer dorénavant des salles de spores. Admettez qu’en ce moment, entre un tour chez Basic Fit ou une balade dans les allées du Bois de la Cambre, votre choix serait vite fait… !

Et enfin, vous admettrez – ou bien vous irez exhiber la splendeur de votre teint diaphane sur l’Acropole – que mon plaidoyer estival pour maintenir un prix décent aux produits alcoolisés demeure, surtout en ces temps moroses, un combat d’une remarquable justesse !

Bref, en un mot comme en cent, votre blogueur favori (bon, on est en plein confinement… vous n’allez pas me refuser ce petit autocompliment !?) commence à se poser certaines questions. Car de mes deux choses lune : soit je suis VRAIMENT devenu capable de prédire l’avenir avec une acuité hors du commun – mais ça m’étonnerait quand même un peu ! – ; soit Dieu en personne fait partie de mes lecteurs et prend un malin plaisir à donner corps à mon imagination – mais ça m’étonnerait quand même beaucoup !

La seule bonne nouvelle dans cet invraisemblable chaos : comme je vous l’avais annoncé, l’ours polaire Jean-Kevin a pu retourner chez lui, et profite à présent du refroidissement global et de l’assainissement de l’atmosphère, dus aux mesures de confinement mises en place partout autour du globe, pour se refaire une petite santé.

Néanmoins, et au risque de le vexer, la conclusion est évidente : vu la situation, il paraît plus raisonnable de cesser hic et nunc d’écrire sur ce blog de nouveaux articles catastrophistes ! Dorénavant, et jusqu’à nouvel ordre, je veillerai donc à ne plus poster ici que des articles joyeux et optimistes, le temps que Mr Covid et toute sa clique débarrassent le plancher !

Par contre, ce que je n’avais pas anticipé, c’est l’impact qu’auraient mes écrits sur le comportement de mes contemporains. Avec une moyenne de quinze lecteurs par article, j’avais semble-t-il très nettement sous-estimé ma puissance de conviction, qui confine au christique. Car force est de constater que, depuis quelques semaines maintenant, l’humanité a décidé, de son relatif bon gré, d’adopter cet art de vivre si particulier, dont je pensais jusqu’alors être le seul et unique dépositaire.

J’en vois qui lèvent déjà les yeux au ciel, et s’apprêtent à ironiser. « Ce Kikh, pour qui se prend-il ?! », marmonnent-ils entre leurs dents de devant. Hélas pour eux, il est vain et inutile de nier les faits ni l’effet : je me rends bien compte que, pour flatteur que cela soit, un nombre croissant d’homo sapiens adopte (enfin !) ce mode de vie érémitique (ou érémikikh, on peut désormais dire les deux) que je vous avais tant vanté ici, avec un insuccès que je ne m’expliquais pas.

Cette habitude que vous avez à présent de rester chez vous à éviter tout contact social ; cet appel de la nature auquel, subitement, vous prêtez les deux oreilles (et la queue, si vous y tenez… qui sommes-nous pour juger ?!) ; cet attrait aussi soudain qu’inexplicable pour la lecture et les mots croisés, les photos de coucher de soleil, l’observation des étoiles ; enfin, cette soudaine crainte de manquer votre sortie, sans avoir eu le temps de profiter des petits plaisirs, simples et/ou mesquins de l’existence en plein lockdown… Si tout cela n’est pas un hommage à ce blog, je ne sais pas ce que c’est !!

Mais puisque vous semblez enfin réceptifs, le moment est peut-être venu de vous faire admettre ce que vous aviez jusqu’à présent tenté d’ignorer aussi lâchement que superbement. Avouez tout ! Maintenant que les réunions s’organisent virtuellement, par la grâce du confinement : c’est pas plus agréable quand vous pouvez mettre les emmerdeurs en sourdine (ah, ce merveilleux bouton mute) ?!

Et pour vous mesdames, admettez que ce monde loin des pervers narcissiques et des mésaventures conjugales n’est pas si désagréable… Reconnaissez-le !

Enfin, pour celles et ceux qui habitent seul(e)s, avouez : n’avais-je pas raison d’affirmer, il y a plusieurs mois déjà, que bonheur et vêtements sont inversément corrélés… mmh ?!

Pour tout vous dire, la seule chose qui m’ennuie un peu dans tout ça, c’est que j’ai parié il y a plusieurs mois avec un fidèle lecteur que l’actuel locataire demeuré congénital de la Maison Blanche serait réélu en novembre. Si Dieu me lit, je le préviens charitablement : si Vous me donnez encore une seule fois raison, je referme ce blog immédiatement. Tenez-le-Vous pour dit !

A la semaine prochaine, pour une belle histoire dans laquelle je vous promets la fin du confinement, et encore plus de bisous qu’avant le Temps du Corona,

Kikh