Rappel du premier épisode
La légende du célèbre héros Hercule n’est plus à présenter. Tous les auteurs antiques ont donné leur version des faits ; de ses fameux « 12 Travaux » racontés par Pisandre ou Théocryte, à ses quêtes « annexes » décrites par Xénophon et Apollonios de Rhodes, en passant par ses exploits maraîchers narrés plus récemment par Agatha Christie.
En revanche, parce que l’Histoire est une chose bien injuste, les prouesses de sa lointaine cousine Ursule, au service du Roi de Thessalonique, ont été ignorées du grand public ; l’homme chargé d’écrire sa biographie, Héradote-le-Sénile, ayant échoué sur l’île de Nethennos avant d’avoir pu les publier.
Pour passer le temps – au lieu de fabriquer un radeau comme l’aurait fait n’importe qui – il décida d’y poursuivre la rédaction de son récit, sur de précieuses tablettes, retrouvées récemment par un groupe d’archéologues amateurs. Heureusement, ils ont enfin pu retrouver le bon chargeur (il fallait celui de chez Apple, avec la petite prise plate dont personne ne connait le nom exact), et la suite des aventures d’Ursule nous attend enfin dans ce nouvel épisode.
Cinquième exploit et consécration
Nous nous étions quittés à la veille de son quatrième exploit héroïque : la préparation, sous l’influence d’un litre d’ouzo non dilué, d’une moussaka parfaite, lors d’un défi des « Recettes pompettes » contre le dieu Dionysos, qui s’était amusé à transformer en vin les eaux natales de son demi-frère Poséidon, au cours d’une soirée un peu trop arrosée.
Vaincu, Dionysos fut contraint de remettre les lieux dans leur pristin état, et la Mer Rouge ne conserva de cet épisode que son nom (pour le cas où vous vous seriez vous aussi demandé pourquoi elle s’appelle comme ça ; de rien !).
Tandis que le grand Hercule continuait à faire le bonheur des abonnés de « Chasse et pèche », Ursule prenait quant à elle son nouveau rôle d’héroïne très au sérieux. Ce qui ne tarda pas à lui valoir l’inimitié de son célèbre confrère, qui osa même la surnommer publiquement « La Biche au torse d’Airain ».
Le fait qu’elle se retint de lui en coller une lors de cette réception annuelle des Pantheon Alumni constituerait déjà en soi un exploit, mais ce serait mésestimer la grande Ursule. Celle-ci n’avait que faire des gesticulations d’un matamore, et ne se définissait évidemment pas à travers le regard de quelques fruits de chênes, glanés aux pieds d’un arbre centenaire.
Elle se contenta donc de l’humilier tout aussi publiquement, à l’aide d’une prise devenue célèbre depuis lors, et très opportunément intitulée « ceinture d’Hippolyte » – en honneur à sa maman qui lui avait appris le respect, parce que hein, bon, quand même, elle n’allait pas se laisser marcher sur les cothurnes.
De façon inexplicable, les historiens ne trouvent aucune trace de cet épisode dans les récits des aventures du grand Hercule nous étant parvenus à ce jour. Allez comprendre…
Crépuscule des demis-dieux
A la fin de sa vie, la conscience soulagée par l’apaisement de cet éternel conflit avec ses Béotiens de voisins, Trudos-le-Bienveillant put enfin se concentrer sur les vrais problèmes de ses sujets. Et là encore, il put compter sur la ruse et le bon sens féminin de sa fidèle amie. Notamment lorsqu’une émeute faillit éclater aux portes de son palais, à l’approche de l’hiver. Depuis le fameux « choc oléagineux », afin de ne pas gaspiller cette ressource trop précieuse, tous les six mois, les habitants de Thessalonique étaient priés de changer leurs clepsydres d’une heure ; une démarche particulièrement fastidieuse, à laquelle Ursule suggéra instamment à son souverain de mettre un terme définitif.
Ces quarante secondes d’un courage politique hors du commun lui valurent tout de suite un triomphe, et à Ursule un nouveau succès d’estime, certes très local, mais à la hauteur de l’exploit.
Enfin, au crépuscule de sa vie, Trudos eut encore le temps de confier à notre héroïne une ultime mission plus que périlleuse, en vue d’éradiquer définitivement un fléau qui ravageait la région : l’insécurité routière, qui faisait quotidiennement de nombreuses victimes sur les routes de Thessalonique.
Avec la ruse que nous lui connaissons à présent, Ursule proposa d’installer de part et d’autre des chars de petites lampes que leurs auriges n’auraient qu’à dévoiler avant de manœuvrer sur les voies hellènes, afin d’avertir les autres pilotes de quadriges de leurs ambitieuses intentions. Cette idée remarquable, baptisée clignoton, sauva des milliers de vies. Hélas, les plans conservés à la Bibliothèque d’Alexandrie, brûlèrent tragiquement, et plus personne de nos jours ne semble savoir comment diantre pouvait bien fonctionner cette mystérieuse invention.
Postface
C’est sur cette ultime prouesse que s’achève le récit inédit – et inachevé – d’Héradote sur les Travaux d’Ursule, et il n’aura pas échappé au lecteur attentif que le compte n’y est pas encore tout à fait…
En filigrane, il nous apparaît pourtant qu’Ursule accomplit bel et bien un septième exploit : celui de réaliser les six premiers tout en trouvant le temps et l’énergie d’élever trois mioches, de les éduquer, de leur préparer chaque jour avec amour leur petit quatre heures, tout en s’occupant de l’entretien du foyer.
Ceci bien évidemment avec l’aide inestimable de son mari, que l’on imagine volontiers, en bon Grec moderne, particulièrement inspiré aux moments d’accomplir de REELS exploits : sortir les poubelles, faire les grosses courses de char du samedi, et passer le restant de ses journées au PMU à faire des paris en ligne (petite remarque historique : ces paris « en ligne » rencontraient un énorme succès à l’époque ; par ce terme, on les distinguait des paris en rond, qui étaient effectués directement dans les tribunes des stades et arènes de gladiateurs… Voilà ; de rien !).
Ceci dit, dans la Grèce antique, il était assez drachmes courantes de confier aux épouses l’essentiel des tâches subalternes à faible valeur ajoutée ; il n’est donc pas très surprenant qu’à cette époque très lointaine, cet exploit ne fut pas spécialement reconnu comme tel par Héradote-le-Sénile. Ô tempora, Ô mores…
A la semaine prochaine, pour de nouvelles aventures mythiques et trépidantes à raconter à vos amis phallocrates pendant le reconfinement,
Kikh
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