Police on my back

Remarque préliminaire: la lecture de cet article doit idéalement se faire au son de « Police on my back », des Clash, disponible sur Youtube, Spotify, ITunes, et votre playlist Winamp si vous êtes vous aussi un geek né dans les années ’80.

Sa puissante berline de location fendait l’air pur de la nuit. Sur cette corniche, chaque tournant était un danger. Mais James s’en foutait. Seule comptait la distance le séparant des gyrophares qui le poursuivaient. Conduire. Vite. Sans remords. L’enjeu était trop important ; si les flics le rattrapaient, tout serait fini. Alors il accéléra à la sortie du virage. Le moteur gronda encore un peu plus ; il avait bien fait de se procurer cette Ford Mustang « Shelby ».

Ce n’était pas une Aston Martin, mais c’était tout de même un fameux bijou de puissance et de technologie au service de sa mission. Et celle-ci était claire ; il devait rapporter sa précieuse cargaison à tout prix. C’était une question de vie ou de mort.

La transaction s’était pourtant déroulée sans la moindre anicroche. Fait rare : le marchand n’avait fait aucune histoire. Malheureusement, il avait fallu que l’un de ces cowboys passe par là ; ces flics made in US ont tout de même une fâcheuse tendance à faire du zèle !

Pris en chasse, James savait que les agents tireraient sans sommations. Il ne pouvait pas s’arrêter. Les semer. C’était la seule et unique solution.

Les premiers coups de feu éclatèrent à l’entrée de Buffalo ; James songea que ce n’était toujours pas cette fois-ci qu’il parviendrait à ramener sa voiture intacte. Mais c’était tout de même le cadet de ses soucis.

Il n’avait pas non plus le temps de penser à la situation géopolitique mondiale ; les élections américaines qui approchaient à grand pas, Vladimir Poutine qui tentait d’interférer, la France qui revivait des attentats terroristes islamistes et le président Erdogan qui déraillait à plein pot… le monde avait bien besoin d’un sauveur ! James pensa qu’il aurait bien le temps de s’intéresser à tout ça une fois sa mission accomplie.

« Je suis Charlie » lui dit-il, enthousiaste. « Félicitations, c’est très courageux de votre part ! » lui répondit Charlie.

D’ici là, il fallait échapper aux agents qui lui couraient au train. Et leur nombre augmentait de minute en minute. Sans compter qu’un barrage routier se dressait à présent devant lui ; le claquement d’une mitraillette dans sa direction alarma James. Il fallait tenter une nouvelle manoeuvre audacieuse.

Bonne réponse. Je ne sais pas quelle était la question, mais bonne réponse.

Sur sa gauche, une ruelle étroite et mal éclairée s’offrait à lui ; il y projeta la Ford Mustang à tombeau ouvert. Les rétroviseurs éclatèrent contre les façades, mais ouf : le passage bientôt s’élargit, et sa Shelby passa sans encombres. Les flics devaient être fous furieux ; d’autant que, dans son rétro central, James eu encore le temps de voir deux voitures avec leurs gyrophares tenter la même manoeuvre en même temps. La ruelle derrière lui était condamnée ; il avait le champ libre.

Il allait pouvoir à présent prendre un peu de repos ; manifestement, il vivrait assez longtemps pour voir encore un nouveau jour se lever. Ce n’était jamais gagné ; James savourait chaque jour comme s’il pouvait être le dernier. Et dans sa situation, ce n’était pas une exagération.

Après qu’il se fut débarrassé des restes fumants de la Ford Mustang dans le Lac Michigan (ce qui n’était pas très écolo, mais parfois, nécessité fait loi), c’est un taxi qui se gara au bord d’un trottoir, dans une rue déserte, sous un lampadaire en panne. Ils étaient devant une petite maison comme toutes les autres, dans un quartier où seuls les chiens osaient encore sortir la nuit. James paya la course rubis sur l’ongle, et sorti son précieux chargement. Pour lui, il avait vaincu mille dangers, et affronté toutes les troupes d’élite de Floyd County. Mais le jeu en valait la chandelle.

La porte de la maisonnée s’ouvrit, et son épouse, Madame Brown, en sortit avec son tablier de cuisine : « Ah, enfin… ! Tu en as mis du temps, pour revenir du supermarché ; les gosses sont affamés ! ».

Décidément, aux Etats-Unis, la vie est toujours pleine de surprises ! Surtout quand vous êtes noir, et que vous avez tendance à faire des choses totalement disruptives, comme sortir de chez vous. Ou quitter le parking du Walmart sans votre ceinture de sécurité. James, en tous cas, ne risquait pas de re-commettre un aussi grave délit de sitôt.

A la semaine prochaine, pour une nouvelle histoire à raconter à vos marmots pour qu’ils dorment à poings levés,

Kikh

#BLM

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